Old Man Logan

 

Il est temps de conclure cette aventure dans le monde de Mark Millar. Il reste bien quelques opus sympa à chroniquer, comme le superbe cross-over Civil War ou la série Ultimates, mais elles attendront… Pour finir cette échappée dans l’univers sanglant de l’auteur écossais, rien de mieux que cet Old Man Logan, certainement le plus surprenant par son ambiance.

Synopsis :

Cela devait arriver un jour. Lors de cette nuit funeste, les super-héros ont disparu et le mal a triomphé. Ce qui est arrivé à Wolverine est un grand mystère, personne ne sait ce qu’il est devenu, personne ne l’a vu durant les cinquante années qui ont suivi. Certains pensent qu’il s’est tout simplement retiré, pour vivre enfin une existence normale.

Logan est devenu un être normal : paysan, il essaie de subsister entre les problèmes d’argent et les gangs. Mais pour régler ses dettes, il se voit obliger d’accepter une mission de transport au travers des Etats-Unis, au coté du vieil Oeil-de-Faucon devenu aveugle. Et il s’est fait une promesse : plus jamais ses instinct violents ne parleront…

 

Clairement, Old Man Logan est un What If? (voir l’article sur Red Son), qui prendrait place dans un des futurs possibles comme dans Age of Apocalypse. Mais en dehors de cette évidence, il est très difficile de classer cet opus : pas vraiment un récit de super-héros, ceux-ci ayant une place finalement mineure dans l’histoire, ne vivant pratiquement plus que dans les mémoires. L’univers, prenant place dans des States complétement ravagés, s’inspire clairement des histoires post-apocalyptiques existantes, montrant de fortes ressemblances avec Fallout et Mad Max, avec ses gangs de punks et son monde privé de technologie. L’histoire, avec un Logan obligé d’accepter une mission d’escorte dans le but de récupérer l’argent indispensable à sa survie et à celle de sa famille, rappelle les grands westerns époque Sergio Leone. L’ouverture et la conclusion de l’aventure sont d’ailleurs emblématiques de ce style, jouant sur le coté cow-boy solitaire que Logan a toujours eu.

Et c’est ce mélange des genres qui est une vraie force de Old Man Logan, on jongle constamment entre les ambiances, entre les références. On ne sait jamais vraiment quel chemin va suivre le récit, si la prochaine rencontre va replonger le héros dans ses doutes, ou si l’histoire va s’enfoncer un peu plus dans ce coté « univers ravagé ». Rares sont les moments de repos où la tension retombe, et on suit vraiment avec impatience le trajet de Logan et de son acolyte. Comme dans tous les récits de Millar, l’ambiance est particulièrement travaillée donc, et au service d’un scénario sanglant : si Logan est en retrait du fait de son vœu de non-violence, cela ne l’empêche pas d’en prendre plein la tronche. Perdu au milieu de gangs dirigés par les « héritiers » des villains emblématiques, le chemin sera long et difficile pour espérer s’en sortir, et de nombreux personnages y laisseront la vie…

N’espérez pas voir Wolverine dans cet arc, ou alors très peu. Comme son nom l’indique, c’est Logan qui est au centre de l’histoire, un Logan vraiment humain, qui a tiré un trait sur son ancienne carrière de super-héros et qui tente de réfréner sa nature profonde. Reniant l’animal en lui, il n’aspire qu’à vivre simplement, mettant toute sa violence derrière lui. Un choix évidemment risqué compte tenu du nombre de fans qu’à Wolverine, mais qui est tenu avec brio. On s’attache encore plus que d’habitude à Logan, on vit vraiment l’aventure à ses cotés, partageant ses doutes, comprenant ses émotions. Le coté irrévérencieux de Millar est ainsi laissé plus au moins de coté, la provocation étant l’un des traits marquants de Wolverine et non de Logan, laissant l’auteur se concentrer sur le coté psychologique du personnage. Malheureusement, on tourne relativement vite en rond, Logan répétant page après page son désir de ne plus partir au combat, enfermé dans son mutisme. Ce n’est que lorsque les nombreux flashbacks auront livré la vérité sur la fameuse nuit fatale que sa langue de déliera, et que Logan partagera avec le lecteur ses ressentiments et sa douleur, insistant volontiers sur le regard pessimiste du personnage.

Les second-rôles ne sont pas en reste : on redécouvre au fil des chapitres des « nouvelles » versions de personnages connus, le temps bien souvent de quelques pages, tous surprenants. Et c’est au travers de ces protagonistes qu’apparaît l’un des défauts majeurs de l’aventure : sa rapidité. Comme souvent, le rythme imprimé à la narration oblige à passer rapidement sur la plupart des événements, alors que certains auraient mérité un peu plus de détails. La fin arrive beaucoup beaucoup trop vite, et on se serait bien attardé un peu plus dans cet univers pour en découvrir tous les aspects. L’autre gros défaut de l’histoire est sa double-fin: l’arc principal se termine de façon magistrale, avec un dernier chapitre jouant sur le fan-service, une conclusion inattendue et

PETIT SPOILER (surlignez pour faire apparaître le texte)

le retour d’un Wolverine enragé prêt à en découdre pour réaliser sa vengeance

FIN DU SPOILER

Alors pourquoi la gâcher avec un chapitre supplémentaire clairement réalisé pour sa violence extrême, presque à l’opposé de ce qui a été conté durant tout le récit et qui surtout n’apporte pas grand chose à par la réalisation concrète de la vengeance? Une vraie déception tant ce que je considère comme la véritable fin était réaliste et cohérente avec l’ambiance western du titre, clôturant l’arc avec ses deux superbes double pages attendues…

Au dessin, Mc Niven, déjà associé à Millar sur Némésis par exemple, réalise une très bonne prestation. Ses décors sont tous simplement fabuleux, fourmillant de détails et de références à Marvel, et ses gros plans sont tous très bien maîtrisés. Un petit bémol sur ses plans larges, où comme souvent, la baisse de qualité se fait cruellement sentir, les expressions étant limitées et pas toujours très marquées. Un dessin très dynamique qui colle parfaitement à l’aventure et qui l’enrichit vraiment.

Old Man Logan est une vraie réussite, malheureusement un brin gâchée par son épilogue raté et sa rapidité à relater les faits. Mais pour son ambiance et sa « relecture » du personnage, il vaut vraiment vraiment le coup d’être découvert.